Posté le 30 janvier 2023 par La Rédaction

Antoine Rousset, ancien journaliste au Progrès à Bourg, rouvre les pages de son album souvenir.

Peut-être ne le reconnaissez-vous pas au premier regard sur cette photo, l’esprit concentré sur la question qu’on est en train de lui poser, tout en partageant le verre de l’amitié avec des journalistes à l’agence du Progrès. Il est vrai que Francis Perrin, qui est à Bourg ce jour-là, en 1981, a 34 ans, et
qu’aujourd’hui, il a une barbe et des cheveux blancs et qu’il en a 75 et est père de six enfants. Mais ce Francis Perrin-là est déjà une célébrité dans le monde du théâtre et du cinéma où il navigue énergétiquement entre les deux avec la même facilité, le même tempérament, et le même talent. La pièce qu’il était venu présenter au théâtre le soir même, qu’il mettait en scène tout en étant le comédien principal, n’avait rien à voir avec son répertoire habituel sur les planches, axé sur les œuvres de Molière et des textes appris au cordeau. Mais il aimait bien sortir de ses rôles classiques pour interpréter des personnages plus « boulevardiers », plus légers, où il pouvait extérioriser pleinement ce qui le rendait tellement attachant : son incroyable débit de paroles, son bégaiement un peu forcé, sa fausse naïveté et son enthousiasme.

« Adjani ? Quelle gifle ! »

Pour ce rendez-vous de fin d’après midi que Gérard Sibelle, bien introduit dans le monde du cinéma et du théâtre, lui avait proposé de passer à l’agence, histoire de mêler l’utile
(une interview) à l’agréable (un apéro à la bonne franquette), il s’était montré disponible, cordial et intéressé sur les problèmes de la presse de province par rapport à ceux de la presse nationale et parisienne, qui en avait probablement plus que nous à cette époque. Lui nous parlait théâtre et cinéma, et nous, informations locales, vie d’une agence, rapports avec les notables et nos lecteurs. Affable et souriant, on l’avait senti à l’aise en nous posant plein de questions sur notre métier tout en répondant aux nôtres sans réserve et sans tabou. Bref, un échange agréable, avec bien sûr quelques anecdotes savoureuses, dont nous étions friands forcément, et il n’en manquait pas. Sa carrière avait commencé tôt, et il comptait bien, à 34 ans seulement, la poursuivre encore longtemps. Ce fut le cas. Quelques années plus tôt il avait tourné La gifle de Claude Pinoteau, et il évoqua un tournage pas simple. « Avec Adjani, qui jouait le rôle de ma petite amie, et qui avait Ventura et Girardot comme parents divorcés, on s’est entendu moyennement. J’ai vite compris que je n’étais pas sa tasse de thé. Au contraire, mes rapports avec Lino et Annie étaient parfaits. J’étais en admiration devant eux. » On lui demanda alors si la gifle que reçoit Adjani de la part de Ventura était aussi terrible qu’on a pu le dire et l’écrire à l’époque. Et Perrin, à peine la question posée, acquiesça en trois signes de tête nerveux : « Oui oui, ce n’était pas une gifle de cinéma c’est sûr. D’accord, dans l’esprit de Pinoteau c’était pour faire plus vrai, mais qu’est-ce qu’elle a pris l’Isabelle ! Lino s’est excusé sur le plateau. Mais Pinoteau était content du résultat ! … »

Cherche partenaire au tennis !

Dans La gifle jouait aussi Jacques Spiesser, même âge que Perrin, dont il était le rival dans le film pour s’attirer les grâces d’Adjani. Ils ignoraient l’un et l’autre que plusieurs décennies plus tard ils se retrouveraient, l’un (Spiesser) dans la peau du commissaire Magellan, l’autre (Perrin) dans celle du juge Mongeville, deux excellentes séries télé, aujourd’hui interrompues pour ne pas dire disparues, sauf en rediffusion… Lors de cette interview-apéro de fin d’après midi, où on en oubliait un peu d’envoyer la copie pour le journal du lendemain vu la grande cordialité des échanges avec notre invité, la soudaine question de Francis nous prit au dépourvu : « je cherche un partenaire pour une partie de tennis demain matin avant de reprendre la route. L’un de vous est-il partant ? » Notre collègue Jean-Paul Callamand se proposa et prit rendez-vous avec lui pour le lendemain matin à Péronnas. Le comédien ressortit de l’agence, content de notre accueil , et tout en remerciements un peu plus bégayés que précédemment. Il nous faisait du pur Perrin, tel qu’on le connaissait sur les planches ou dans ses films. Plus tard, notre ami « JPC », qui avait prêté des raquettes à Francis, se dit surpris et bluffé par son talent tennistique tout en appréciant sa gentillesse. « Finalement à midi je l’ai invité chez moi et il a mangé à la maison. Je crois qu’il est reparti conquis par sa visite à Bourg