Posté le 23 janvier 2021 par La Rédaction

Le Chalamontais Léo Violland nous raconte comment il a trouvé l’amour en Russie.

Les études bouclées, je quittais Paris et la femme qui m’y retenait. Jurant que l’amour faisait entrave aux rêves, j’étais convaincu que la solitude était bonne compagne. Par les grands plateaux espagnols, les sentiers escarpés de la Corse, les sommets alpins et les côtes de l’Atlantique, je m’engouffrais sur les chemins de la bohème que j’avais tant idolâtrée. Vagabond à bouffer des bornes, je tournais le dos à l’Occident après deux années de périple pour donner une nouvelle direction à cette vie de nomade. À bord du transsibérien, je gagnais les montagnes de l’Oural pour réaliser un documentaire sur la vie reculée des Russes dans les taïgas. La pêche sur les glaces de la Kama, la chasse à l’ours arrosée à la vodka et le dialogue avec les ermites sous le toit des isbas, me menait jusqu’à Bolshaya Sosnova, petite bourgade perdue aux portes de la Sibérie.

Amoureux au premier regard

À l’école du village, je faisais la rencontre de Vasilina, la maîtresse, dont je tombais amoureux au premier regard. Moi qui avais choisi la route pour compagne, je me laissais bercer par le plus simple des bonheurs, le coup de foudre d’une amante. Notre relation survivait à la géographie et au temps, elle perdurait, entre la France et la Russie, à 6 000 kilomètres l’un de l’autre, sur les tarmacs d’aéroports. Comme bon nombre des filles de l’Est, Vasilina, n’étant pas mariée, vivait dans la demeure familiale. Pour Piotr, son père, il n’était pas facile de laisser sa fille dans les bras d’un vagabond, et encore moins dans ceux d’un Français. Pourtant, au fil de mes visites, il apprenait à m’apprécier et m’enseignait la simple et rude vie des steppes russes. Lire et écrire le cyrillique, creuser des tranchées dans la glace, monter des isbas et égorger des moutons, j’étais prêt à faire beaucoup pour plaire à Vasilina et sa famille. L’année suivant notre première rencontre, assoiffé de découverte, je décidais de rejoindre Vasilina à bicyclette. Sur l’asphalte déplorable des routes de l’Est, elle me manquait terriblement. À tendre des bivouacs au cœur des steppes, je finissais par me demander ce que je foutais au beau milieu de nulle part, alors que loin d’ici, quelqu’un m’attendait. Quatre mois plus tard, je gagnais Bolshaya Sosnova à coups de pédale.

leo violland et vasilina
Vasilina et Léo, à l’arrivée de son périple à vélo, en Russie.

Je jurais alors à mon aimée de ne plus la laisser et elle me promettait de me suivre en France. Nous établissions, sur les terres uligineuses de la Dombes, le bivouac de notre existence. Les poules, les moutons, le potager, pour construire une vie sédentaire, à la russe. Nous nous marions deux ans plus tard, puis notre fille, Liya, vint au monde dans ce vieux corps de ferme dombiste que mes grands-parents m’avaient légué. Le père et la mère de Vasilina étaient heureux de la savoir accompagnée de l’homme que j’étais devenu. Piotr, pour se rassurer, me demandait alors : « Tu es sûr que tu ne prendras plus la fuite sur les routes ? ». Je lui souriais, serein. Même si le chemin avait été long, je me savais arrivé à bon port. Et si le voyage n’était pas une fuite, mais une quête ? Une quête du bonheur.