Posté le 22 janvier 2021 par La Rédaction

Formateur de référence dans le basket tricolore, personnage majeur de l’histoire de la JL Bourg, Pierre Murtin s’est éteint des suites d’une grave maladie, à l’âge de 66 ans, le 31 décembre 2020. Retour sur son parcours de joueur et d’entraîneur, intimement lié aux destinées du club burgien.

« Une personne entière et passionnée », pour Léo Westermann (FC Barcelone), « un Monsieur du basket français » selon Charles-Henri Bronchard, « un mec qui donnait tout et ne demandait rien » tweetait Crawford Palmer. Bien au-delà de la simple ville de Bourg-en-Bresse, les hommages ont afflué dans l’après-midi du 31 décembre 2020, dans la foulée de l’annonce du décès de Pierre Murtin, emporté à l’âge de 66 ans par la maladie. Une émotion à la hauteur de l’impact laissé par ce coach unique, l’un des plus beaux ambassadeurs du basket aindinois. « Pour moi, il n’y a pas meilleur symbole du club que lui, par ce qu’il est, par ce qu’il représente », soufflait le président Julien Desbottes dans un article hommage publié par la JL. Avec ses 43 saisons ininterrompues de coaching, Pierre Murtin était connu comme l’homme qui a entraîné toutes les catégories, des mini-poussins à la Pro A. Né le 14 février 1954 à Bourg-en-Bresse, il a d’abord pratiqué la gymnastique à l’Alouette des Gaules puis le rugby à l’US Bressane avant de découvrir la balle orange du côté de l’ASPTT Bourg. Au sein du club du quartier des Vennes, il découvre alors ce qui constituera ensuite le fil rouge de son existence. « J’ai commencé le coaching quand j’étais cadet », racontait-il au site BeBasket en septembre 2018. « Il n’y avait jamais personne pour entraîner les toutes petites catégories. J’étais le plus mauvais entraîneur du monde à ce moment-là, je l’avoue, et je le suis peut-être encore un peu », poursuit-il, avec la modestie qui l’aura caractérisé tout au long de son parcours. Parti ensuite au CREPS de Nancy afin de décrocher son diplôme de professeur d’EPS, il a son vrai déclic basket en Lorraine. Licencié pendant trois ans au SLUC, il évoluera entre 1974 et 1976 en Nationale 2, l’équivalent de l’actuelle Pro B. Ses meilleures années de joueur, de son propre aveu, avant qu’il ne se retrouve affecté dans un collège bressan et donc engagé par la JL Bourg dont il défendra ensuite les couleurs entre 1976 et 1991, les deux premières années en Nationale 2 puis le reste à l’échelon inférieur, tout en entraînant des jeunes et l’équipe féminine du club.

pierre murtin

La formidable aventure des années 90

Rattrapé par des douleurs aux genoux, Pierre Murtin troque ensuite définitivement son short pour le costume de coach. Dès l’année 1991, alors que la Jeunesse Laïque vient d’être reléguée en Nationale 4, il prend en main l’équipe fanion et est à l’origine de la formidable montée en puissance du club burgien. En binôme avec Christian Diot jusqu’en 1995 puis seul aux manettes pendant deux saisons supplémentaires, il multiplie les accessions, s’offre le titre de champion de France de Nationale 2 en 1996 et se qualifie pour les playoffs de ProB (6e) au terme de sa première saison en LNB en 1996/97. « La génération des Jean-Luc Tissot, Fabrice Serrano, Xavier Boivin, Jérôme Monnet me touche particulièrement », disait-il.

pierre murtin
©Christelle Gouttefarde

Coach tout terrain

Pas du tout carriériste, Pierre Murtin aurait peut-être pu faire fructifier sa réputation naissante par un autre poste prestigieux loin de ses racines. Mais ce n’était pas dans la nature de l’homme. L’après-Pro B en 1997 en fut sûrement le plus bel exemple : non prolongé à la tête de l’équipe première, il accepta finalement l’offre de la… JL Bourg qui lui proposait de prendre en main l’équipe fanion féminine, tout juste promue en excellence régionale, et de s’occuper de la mise en place d’un centre de perfectionnement destiné aux benjamins et aux minimes garçons et filles. « Je suis un accompagnateur de talents », aimait-il se définir. « Quelle que soit l’équipe que j’avais, ça me plaisait. Prendre des minimes ne me dérangeait pas du tout. C’est la passion qui nous anime tous. » À tel point qu’il alla même jusqu’à enfiler la tunique d’adjoint pour seconder ses successeurs sur le banc de la JL Bourg, Alain Thinet et Patrick Maucouvert. Discret, empathique et bienveillant, Pierrot ne recherchait pas la lumière des projecteurs. Mais une fois a-t-il dû accepté d’être mis en avant. C’était en 2002, la JL Bourg vivait sa deuxième saison en Pro A et était en perdition après quatorze journées, avec seulement une victoire au compteur. Alors, Pierre Murtin avait accepté de jouer les pompiers de service, remplaçant Mike Gonsalves. Il avait su redresser la situation, permettant à la Jeu de disputer les barrages (avec un bilan personnel de 6 succès en 16 matchs) mais Châlons-en-Champagne avait envoyé les Bressans en Pro B au terme de la demi-finale des playdowns. Relégation finalement annulée par la rétrogradation d’Antibes et le dépôt de bilan de Montpellier. Une expérience intéressante, certes, mais éprouvante, surtout. Particulièrement lorsque l’on cumule la charge d’une équipe professionnelle avec le rôle de professeur de sport dans un collège… Ce qu’il n’avait pas dit à l’époque, c’est qu’il avait souffert humainement lors de cette demi-saison. Marqué à vie par l’aventure vécue avec la bande de potes des années 90 à la JL, Pierre Murtin avait trouvé lors de sa prise de poste une équipe sans cohésion, scindée en deux, les multiples recrues étrangères de l’été 2001 faisant bande à part du reste du groupe. La cohabitation fut notamment difficile avec le meneur américain Terrel Castle, qui vivait mal la concurrence avec l’icône Jean-Luc Tissot, ou James Bryson, le gros CV de l’époque qui cristallisait les tensions.

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©Christelle Gouttefarde

Amoureux du beau jeu

Également passé par les clubs locaux du GS Carriat et Viriat puis auteur d’un crochet de cinq ans à l’ASVEL (2007/12), Pierre Murtin s’est construit un joli palmarès avec cinq titres nationaux à la clé. Sans oublier toutes les accessions. Sa philosophie de jeu était à l’image de l’unité collective qu’il prônait. Pierre Murtin, c’était la passion, capable de coacher à tous les niveaux avec la même flamme. Pierre Murtin, c’était aussi la rigueur, incarnée par ses cahiers − qu’il a précieusement conservé depuis ses débuts dans le métier − où il préparait soigneusement ses séances, notait de multiples observations en plein entraînement et dessinait diverses formes de jeu. Pierre Murtin, enfin, c’était la créativité. Sa dernière saison fut une ode à son jeu, une symphonie sans fausse note : à la tête des cadets de la JL Bourg en 2018/19 restés invaincus pendant leurs 22 matchs officiels, il avait quitté la scène sur un titre de champion de France, décroché à domicile. La finale contre Nanterre fut le parfait symbole de ce qu’il souhaitait : une démonstration collective, du jeu rapide, un style à l’Espagnol avec de multiples déplacements et toujours une solution de passe pour le porteur de balle… « Il faut donner aux joueurs cette joie et ce plaisir de jouer », exhortait-il. « Moi, je leur dis d’utiliser leurs émotions. Si quelquefois elles sont au détriment de la sérénité, tant pis ! » Cette fois, tout le monde fut ébloui. « Zack Wright et Zack Peacock sont venus, et ils n’en revenaient pas, mais vraiment ils n’en revenaient pas, de la qualité de jeu proposé », sourit Julien Desbottes.

« Le meilleur formateur français de tous les temps »

Connu et reconnu de tous dans l’Ain, particulièrement à Bourg-en-Bresse où il n’était pas rare de le voir déambuler sur son vélo dans les rues du centre-ville, sa réputation a fini par dépasser les frontières départementales au cours de la dernière décennie. Ses pairs ont su l’honorer en le désignant entraîneur de l’année en 2011 dans la catégorie minimes ou de la fédération qui, des mains de Vincent Collet, lui a remis sa médaille d’or en octobre 2016. Récemment, c’est Alain Thinet qui l’avait désigné comme le « meilleur formateur français de tous les temps. » Nul doute que Pierre Murtin avait été en désaccord avec le qualificatif. Mais la modestie du regretté Pierrot n’y changera rien. Son héritage parle pour lui.

pierre murtin