Posté le 29 mars 2021 par La Rédaction

Nous sommes le 22 décembre 1920. Tout le monde est en pleins préparatifs pour les fêtes de Noël qui approchent à grands pas. Mais au commissariat de Bourg-en-Bresse, l’heure est à une tout autre affaire. Monsieur Diot, cultivateur de son état, vient de faire une entrée fracassante et annonce l’impensable : son voisin vient de commettre un meurtre.
Le commissaire de police Cayrol se rend donc sur les lieux du crime, dans une ferme isolée située chemin des Dîmes, sur la route de Ceyzériat. La scène qui se présente à lui est d’une violence sans nom. La victime est Marthe Maisson, dite Razurel, tout juste âgée de vingt ans et enceinte de sept mois. Son corps est découvert dans la cour de la maison, gisant dans une mare de sang. La jeune femme est affublée d’une multitude de coups de rasoir à la poitrine mais le tueur s’est acharné sur son cou. Sa tête est presque détachée du tronc, la carotide est tranchée nette et l’arme du crime est restée brisée dans sa gorge. La pauvre présente également des blessures défensives aux mains, signe qu’elle a tenté de résister à son assaillant.

Pourquoi un tel acharnement ?

C’est dans la maison que le commissaire trouve le témoin principal : le neveu de Marthe, âgé de huit ans, a assisté à toute la scène. L’enfant est en état de choc mais il prononce tout de même le nom du meurtrier : Alfred-Sabin Péchu, le mari de la victime. Ce dernier s’est réfugié chez son père à cinq cents mètres de là. Lorsque les agents de police viennent le chercher, il se met à pleurer et à trembler. Natif de Saint-Étienne-du-Bois, le jeune homme de vingt-six ans épousa Marthe Maisson le 6 avril de la même année. Mais leur mariage n’est pas heureux. Alfred est d’une jalousie extrême, reprochant à longueur de temps à sa femme d’avoir connu un autre homme avant lui. Marthe subit en silence les injures et les coups depuis des mois, mais tout être vivant a ses limites. Si bien que Marthe décide de se réfugier chez ses parents à Bourg-en-Bresse afin de fuir leur relation devenue nocive. Péchu promet alors de ne plus la frapper, démissionne de son emploi de cheminot et se fait engager par ses beaux-parents comme domestique. Ces derniers étant déjà d’un âge avancé, le jeune homme pense pouvoir reprendre leur maison des Dîmes. Mais les Razurel ne l’entendent pas de cette oreille, ce qui crée un nouveau sujet de tensions dans le couple, Alfred les accusant de tout faire pour que leur fille le quitte. Le 16 décembre, il consulte un avocat afin de divorcer, chose impossible à l’époque, sa femme n’ayant commis aucune faute. Le mercredi suivant, il tente de parler à son épouse mais celle-ci se cache en le voyant approcher de la bâtisse. Sur le chemin du retour, il croise son beau-père, ce qui le rend fou de rage. Il achète alors un rasoir et retourne à la ferme. Effrayée par son mari, Marthe accepte cependant de venir jusqu’au portail pour discuter. Péchu insiste pour que sa femme revienne au domicile conjugal, chose qu’elle refuse catégoriquement. Péchu voit rouge, sort son rasoir et l’attaque. La malheureuse tente de lui échapper mais ce dernier la rattrape. Les coups pleuvent sur Marthe qui succombe à ce déchaînement de violence.

Un verdict sans appel ?

C’est le 16 mars 1921 que s’ouvre le procès d’Alfred-Sabin Péchu. Ce dernier se dépeint comme étant la victime dans cette affaire, sa femme ne l’ayant épousé que pour son argent. Le procureur Carron n’eut aucune pitié pour ce crime « prémédité » et « sauvage », réclamant de fait la peine capitale. Maître Valensio tenta alors d’attendrir le jury en évoquant l’enfer des tranchées de la Grande Guerre, mais rien n’y fit. Après quelques minutes de délibération, Monsieur Péchu fut condamné à mort. Contre toute attente, le Président de la République Alexandre Millerand commua sa peine en travaux forcés à perpétuité le 18 juin 1921. Peine qui fut par la suite ramenée à une durée de 20 ans le 4 août 1926. Transporté au bagne en Guyane, Alfred-Sabin Péchu succomba d’une cirrhose hépatique le 7 août 1936. Aujourd’hui la ferme n’existe plus, mais le chemin des Dîmes devenu rue des Dîmes, porte encore le souvenir d’une jeune femme au destin funeste.