Posté le 30 septembre 2021 par La Rédaction

Morgane Monneret est photographe à bord des yachts de croisière de la compagnie Ponant. Elle vous raconte ses voyages. Un été à bord de l’Austral, avec quelques escales en Mélanésie. Aujourd’hui, c’est jour de fête au village avec la visite du bateau…

Le tout petit village de Kopar, à l’embouchure du fleuve Sepik, au nord-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée ne reçoit pas souvent de visite. Une ou deux fois par an tout au plus. Alors ce jour-là, c’est comme une fête nationale, l’école est fermée pour que les enfants puissent venir voir les touristes, et les habitants de tous les villages alentour, même à plusieurs jours de marche, ont fait le déplacement.

melanesie kopar
© Morgane Monneret

Les guerriers nous attendent à bord de leurs pirogues et nous escortent jusqu’à la plage. Le comité d’accueil est rassemblé, haut en couleur ! Les enfants curieux mais timides osent lancer des petits « hello », et se cachent derrière les uns et les autres pour rire lorsqu’ils entendent le « hello » en réponse. Tout le village a été préparé et décoré depuis plusieurs jours pour notre arrivée, et une grande cérémonie de bienvenue sera donnée. Les hommes et les femmes qui danseront se préparent encore, un amuseur fait rire les enfants avec une danse du postérieur devant mon objectif, les adultes mâchent du bétel (c’est bon pour les dents il parait, même si cela fait l’effet d’un sourire ensanglanté digne d’un film d’horreur !). On patiente, on se découvre, on essaie de communiquer un peu, avec des gestes et quelques mots d’anglais. Les amitiés sont tissées.

melanesie kopar
© Morgane Monneret

La cérémonie commence

Les participants entrent en scène : parés de costumes de végétaux, de plumes, de graines et de coquilles, les couleurs étincellent. Au son des percussions et des voix, le dragon apparaît, il représente en fait un long serpent de mer incarné par une dizaine d’hommes. C’est lui qui nous autorise à entrer dans le village. Les danses et les chants traditionnels se succèdent, mimant des histoires issues des croyances papoues, des scènes de chasse, des rituels, des guerres tribales. Les danseurs sont en transe et nous envoûtent nous aussi.

melanesie kopar
© Morgane Monneret

Un mythe papou raconte que le monde est né du battement de la queue d’un crocodile géant. Le fleuve Sepik, le plus long de Papouasie- Nouvelle-Guinée, qui descend du plus haut des montagnes jusqu’à la mer, représente cet animal qui pullule le long de ses berges où les enfants se baignent. Les habitants de cette région vivent donc dans la gueule du crocodile. C’est l’animal totem, il est à la fois craint et vénéré, célébré et remercié par des cérémonies et des offrandes. Lors du rite de passage des jeunes garçons à l’âge adulte, leur dos est scarifié pour que le relief des cicatrices ressemble à une peau de crocodile. Il est symbole de pouvoir.

melanesie kopar
© Morgane Monneret

La visite du village

Une fois la cérémonie terminée, nous sommes invités à visiter le village. Leurs maisons sur de hauts pilotis sont ouvertes, trois murs et un toit de feuilles de sagoutier. Sur des barils transformés en barbecue, on cuit le poisson fraîchement pêché, les enfants jouent, les adultes commercent. On se balade sans y penser, la propriété privée n’existe pas : un casoar apprivoisé monte la garde (oui c’est très dangereux). Une vieille dame me crie quelque chose, ça n’a pas l’air sympa donc je recule, je comprends en fait qu’il faut faire attention à ne pas trop marcher sous les cocotiers au feuillage sec, car les noix et les branchent peuvent tomber à tout moment en grand fracas (et blesser gravement le badaud) !

melanesie kopar
© Morgane Monneret

L’embouchure du fleuve a longtemps été le lieu privilégié du commerce et des échanges d’arts traditionnels, faisant le lien entre la mer et l’intérieur des terres. Un petit tour au marché s’impose pour apprécier les masques, sculptures en bois brut et bijoux apportés des autres villages plus haut sur le fleuve, d’une beauté à en rendre jaloux le conservateur du musée du quai Branly. Le soleil descend, il est temps de regagner la plage. Le bonheur tient parfois à peu de chose, après une journée comme celle-ci, toute notre technologie me semble bien grise…