Posté le 2 septembre 2020 par Ghislain Gros

Le centre commercial Cap Emeraude qui génère 4,5 millions de visiteurs par an fête ses 10 ans.

Comment l’aventure est-elle née ?

Je suis fils de paysan et fier de l’être. Mes parents avaient une petite exploitation en Bretagne. Mon frère travaillait dans un centre E.Leclerc à Nantes. Au retour de l’armée en 1971, je suis allé voir l’adhérent du Centre E.Leclerc (Joseph Fourage). Il m’a dit : « si tu es bon, je te garde ». Il ne m’a jamais dit que j’étais bon mais il m’a gardé. J’ai passé 10 ans dans le E.Leclerc de Nantes en tant que responsable non alimentaire. Puis M. Fourage m’a “parrainé” pour que je puisse monter ma propre entreprise avec mon épouse. Nous avons donc commencé un tour de France en 1982 qui s’est arrêté à Bourg où nous avons eu un bon contact avec la municipalité (Xavier Charpe, adjoint à l’urbanisme) et trouvé une ville agréable. Nous avons ouvert notre premier centre E.Leclerc de 1 700 m² le 26 avril 1983.

À quel moment avez-vous envisagé un déménagement ?

Il y a d’abord eu une extension de notre surface à 3 600 m² en 1987 sur le site de Pennessuy pour répondre à l’ouverture du centre commercial Genty Record de 7 000 m² seulement 3 ans après notre ouverture. Mais nous ne pouvions agrandir davantage sur le site, il fallait donc trouver un autre terrain. Nous avions plusieurs projets qui sont tombés à l’eau. Il y a d’abord eu un projet sous la mandature d’André Godin pour rejoindre un site le long du canal de la Reyssouze face à l’ancien E.Leclerc. Nous étions dans le même secteur et il y avait le projet d’une liaison entre les routes de Jasseron et Ceyzériat. Mais le nouveau maire Jean-Michel Bertrand ne voulait pas faire de rocade, donc le projet n’avait plus d’intérêt. Nous avons aussi travaillé 4-5 ans sur les terrains Renault Trucks toujours dans la même zone. Et là le nouveau directeur du site nous annonce qu’il ne veut plus vendre… Enfin, c’est l’adjoint à l’urbanisme Philippe Morel-Lab qui nous a parlé du site de Cap Emeraude. Des terrains étaient disponibles et devaient accueillir un transporteur mais cela ne faisait pas l’unanimité. C’est comme ça qu’est né Cap Emeraude.

À l’époque c’était un sacré pari car il n’y avait pas grand-chose autour ?

Il y avait le Sdis, point à la ligne. Mais quand vous achetez un terrain ou un bien, c’est l’emplacement et la desserte routière qu’il faut regarder.

Le montant de l’investissement ?

Nous avons investi 70 millions d’euros hors aménagement des boutiques. C’est un investissement conséquent mais nous avons souhaité réaliser un équipement adapté qui puisse durer dans le temps.

Combien de visiteurs aujourd’hui à Cap Emeraude ?

Nous avons 4,5 millions de visiteurs par an. Notre zone de chalandise s’étend au nord de Bourg et au sud du Jura ; au-delà de Saint-Paul-de-Varax, les clients ne viennent pas chez nous. Nous comptons une galerie d’une cinquantaine de boutiques pour lesquelles il n’y a pratiquement pas de turnover depuis 10 ans. Ce qui est un bon signe.

Agrandissement d’Intersport

Des changements à venir ?

Dans l’îlot B, nous avons le départ de Leader Price qui sera remplacé par Gémo, qui libère son emplacement pour l’agrandissement d’Intersport qui est une vraie locomotive de notre îlot B. Dans l’îlot A, nous aurons en début d’année un nouveau concept de café dans le style Starbucks à la place de WHAT Elle’s.

Quelles enseignes aimeriez- vous attirer ?

Franchement, il ne nous manque pas grand-chose. À l’époque, faire venir une enseigne comme H&M dans une ville moyenne, c’était un joli tour de force. Mais si je devais en citer une, je dirais Zara.

Dans 10 ans, Cap Emeraude ?

J’espère que je serai toujours là (sourire). Des évolutions seront nécessaires car si on n’avance pas, on recule. Il ne faudra pas seulement passer un coup de peinture mais amener des nouveautés. On travaille sur des projets avec l’agglo mais c’est trop tôt pour en parler.

Projets à Lons et à Oyonnax

Meyzieu, Tournus, Lons, trois de vos projets de centres commerciaux n’ont pas vu le jour…

Tournus c’est un accident. Il y avait un projet intéressant. La ville de Tournus est en train de se faire absorber par Chalon et Mâcon. En accord avec le maire nous avions imaginé un centre adapté, pas un 10 000 m², avec pour moitié de la surface (15 hectares) des installations d’artisans. Cela pouvait amener une attractivité et un développement. Mais cela a pris une tournure politique où je me suis retrouvé au milieu du gué en regardant les balles passer. Ça a franchement dégénéré avec l’éviction du maire, président de la communauté de communes. Je n’ai jamais eu la volonté de passer en force, donc j’ai renoncé. À Lons-le-Saunier, il y avait un maire qui était contre la grande distribution et qui voulait protéger une enseigne implantée dans le centre-ville. Mais je continue de suivre le dossier car c’est une ville qui m’intéresse, tout comme Oyonnax.

Et Meyzieu ?

C’est le serpent de mer… ça fait 25 ans que je travaille au développement d’un projet. La municipalité de Meyzieu est partante car notre magasin a 35 ans… Nous avions obtenu avec l’accord de la métropole une autorisation départementale et contre toute attente nous avons été refusés en commission nationale ! Le projet est donc bloqué. C’est très pénalisant. C’est un secteur où nous avons une évolution démographique de 12% sur les dix dernières années et autant pour les dix prochaines. Notre magasin ne correspond plus aux attentes des consommateurs. La balle est dans le camp des autorités…

La transmission, vous y pensez ? Aujourd’hui vous travaillez en famille avec deux de vos filles et leurs époux, c’est un choix de votre part ?

Non, ce n’est pas une volonté de ma part, j’ai toujours laissé nos enfants suivre leur voie. À court terme, Virginie et Alun prendront la direction de l’hyper E.Leclerc (il faut un parcours de 5 ans de direction pour accéder à la propriété d’un magasin, ça fait 4 ans qu’ils gèrent celui de Bourg). Émilie a la responsabilité de la galerie et des animations. Romain, son mari, est le patron de la Brasserie du Cap. Je trouve toujours très motivant de travailler avec des jeunes qui amènent plein d’idées. Je préfère toujours freiner les gens que les pousser. C’est plus agréable. Vous savez, on espère toujours la continuité de ce que l’on a mis en place. Et si cette continuité peut être assurée par ses enfants, c’est encore mieux.

Vous pensez à la retraite ?

Ça m’ennuie, oui (sourire). Mais comme depuis très longtemps je fais faire le travail par les autres, pour l’instant c’est bon (sourire). Ce que j’aimerais, c’est sortir le projet de Meyzieu. Ça fait 25 ans que je travaille dessus et ça me tient à cœur.

-35% de CA pendant le confinement

Les grandes surfaces ont-elles été les “gagnantes” de la crise de la Covid comme l’ont dit certains médias ?

Les médias auraient mieux fait de parler de l’engagement des salariés à venir travailler tous les jours dans ces conditions. On a constaté une augmentation du chiffre d’affaires pour les magasins qui faisaient moins de 2 500 m² au détriment des plus grands. Tous les centres importants ont perdu. Nous à Bourg, c’est moins 35% ! Les clients devaient faire les courses au plus près de chez eux. Nous avons aussi constaté pendant ces 8 semaines l’achat presque exclusif des produits de grande consommation alors que le non alimentaire était délaissé. Mais moins 35% de CA avec les mêmes charges, il n’y a pas besoin de machine à calculer pour comprendre les conséquences financières sur l’entreprise.

Vous anticipez la prochaine vague ?

Des crises, nous en avons connu mais ces huit semaines je n’avais jamais vu cela. Aujourd’hui, forts de ce que nous avons vécu, si hélas nous sommes de nouveau confrontés à cette pandémie, nous serons mieux préparés au niveau du protocole à mettre en place et du matériel. Les stocks sont reconstitués et nous serons parés. Mais je trouve aussi que les clients ont plutôt bien respecté les gestes barrières. Et je veux encore saluer l’engagement de nos salariés à qui nous avons accordé la prime de 1 000 euros. Ils la méritaient bien.