Posté le 1 décembre 2022 par La Rédaction

Pour la première fois de ma vie sans trop savoir à quoi m’attendre, je suis partie le temps d’une soirée vivre une maraude de l’intérieur. Grande claque.

Lundi, 18 h 30. Rendez-vous est donné au Pont des Chèvres, au local de stockage. Pièce sommaire où sont entassés vêtements, couvertures, vivres et nécessaires de toilette. À l’appel ce soir, il y aura Sarah, travailleuse sociale, Joseph et Christiane, bénévoles. Le premier agent immobilier, touché par l’appel aux recrues lancé l’hiver dernier. « Il faut savoir tendre la main. Ça peut nous arriver : la roue tourne très vite. » La seconde retraitée du social, mieux que quiconque au fait des besoins importants pour assurer les maraudes…

La tournée du jour est détaillée sur le tableau : champ de foire d’abord, église Notre-Dame, Bastion, gare et stade des Vennes. Avec un détour par le square des Quinconces note Sarah, « des familles albanaises nous ont été signalées ». Pour le pain normalement, il faut passer à la boulangerie. « Mais le lundi c’est fermé, alors ce sera pain de mie… » Sarah met l’eau à chauffer, Joseph sort les caisses, Christiane recharge les stocks de linge. Le ballet au camion peut commencer avec, à l’inventaire : bouteilles d’eau, quelques-unes de soda et thé glacé, sachets de soupe, fromage frais, biscuits, café soluble et trousses d’hygiène. « Remets aussi des gants, écharpes et couvertures. »


Christiane, Joseph et Sarah.

« On est attendus »

Avant le départ, Sarah répartit les rôles. Joseph sera chauffeur, Christiane secrétaire : au remplissage des fiches recensant « le nom ou pseudo des personnes, un âge approximatif, leur lieu d’hébergement – ou absence de – et les produits qu’on leur a donnés ». Chacun bien sûr, prompt à bavarder et prendre des nouvelles. Première étape donc, champ de foire, sur le parvis en face des bus. Les habitués sont là. Ils connaissent le jour et l’heure, c’est un rendez-vous à ne pas manquer. Pour l’aide alimentaire, pour le lien social surtout. « Certains ne viennent parfois que pour parler avec nous. » Il fait encore jour et, pourtant, la ville a un autre visage. Considérer, s’intéresser, écouter sans juger celles et ceux qui, ce soir et tous les autres, affluent à l’arrière du Samu social, est une première et belle leçon. Chacun approche, salue, demande sa pitance. J’officie à la soupe, confiant tour à tour à leurs mains refroidies un gobelet de soupe, café ou chocolat. « Comment allez-vous ? interrogent mes collègues. Vous avez un endroit où dormir ce soir ? » Au gré des besoins, Sarah donne des contacts, fixe des rendez-vous. Les derniers osent à peine passer une tête, demander quelque chose à manger. Comme cette femme honteuse de devoir s’en remettre à la Croix-Rouge ; ce jeune homme aussi, tout juste sorti de prison, mal à l’aise de devoir ici faire le plein pour quelques jours. Plus personne : direction le prochain arrêt, au pied de l’église Notre-Dame. Moins de monde ici… les casiers et Thermos ne seront pas entamés davantage. Un homme parle de son travail : ça se passe de mieux en mieux. « Vous auriez un pull ? » demande un autre. C’est à pied que le trajet continue, « il y a parfois des personnes dans les rues qui ne viennent pas jusqu’à nous ». Place des Bons Enfants, rues de la Ré, Gambetta, Bichat « pour voir si personne ne dort dehors aux abords du théâtre ». Pas ce soir…
Au passage des parkas Croix-Rouge, les gens sourient. Remercient, même. Comme cette dame, qui un temps se nourrissait au camion, et aujourd’hui, veut apporter de l’aide à son tour. « On cherche toujours des bénévoles ! » martèle Sarah. De retour au camion, de nouvelles têtes nous attendent… Rebelote, café. Avant de monter à la gare, détour annoncé à la grande Poste. Sous le kiosque, des tentes ont été installées. Les familles sont bien là. Une dizaine de personnes au total, avec femmes enceintes et enfants en bas âge. Des pays de l’Est, a priori. Un jeune est appelé pour nous parler anglais. « Soups, coffees, cakes and blankets. » Ils ont ce qu’il faut pour la nuit. Sarah repassera demain pour un point précis sur leur situation à tous. À la gare et aux Vennes, personne d’autre que les figures habituelles. L’échange est devenu amical, avec le temps. « Il faut des mois avant qu’ils acceptent de s’ouvrir un peu, de raconter leur histoire… »

À 23 h, la boucle est bouclée. 36 personnes aidées : « On tourne à une quarantaine, en ce moment ». Un appel au 115 clôt la manoeuvre, avant le retour au local et la remise au frais des aliments. Tout est fin prêt pour la maraude suivante. Le roulement, à trois jours par semaine pendant l’année, devient quotidien le temps de la trêve hivernale. Les besoins sont là, les stocks pas toujours suffisants. Il faut souvent acheter, en complément des dons. Gage d’une aide efficace au service des plus vulnérables. Ces quelques heures au contact des gens de la rue ont permis un regard neuf. Plus indulgent, aussi. Eux qui n’ont rien disent par le mot, le geste, le regard, toute leur reconnaissance. C’est bouleversant.

En savoir plus / Devenir bénévole : 06 30 34 80 74 – dtas01@croix-rouge.fr –
www.ain.croix-rouge.fr

Pour un Noël solidaire…

• Boîtes solidaires
La Croix-Rouge renouvelle son opération et invite à la confection de boîtes solidaires pour hommes (à noter H), femmes (F) et enfants (E). Qu’est-ce qu’on met dedans ? Un vêtement chaud, un produit d’hygiène, un aliment, un jeu et un petit mot. Une dose de baume au coeur à déposer dans différents points de collecte.

• Peluches du Secours pop’
Le club local de basket s’engage au côté du Secours populaire et propose sa traditionnelle opération Peluches. Le principe ? Inviter les spectateurs à venir au match (date communiquée en amont) avec une peluche – ou à en acheter une à l’accueil – pour, avant le coup d’envoi, les lancer sur le parquet en faveur de l’asso qui se charge de les redistribuer aux personnes dans le besoin.