Posté le 9 juin 2022 par La Rédaction

Antoine Rousset, ancien journaliste au Progrès à Bourg, rouvre les pages de son album souvenir.

Ah, Johnny !… Que de souvenirs de ses passages dans notre ville ! Que d’anecdotes à raconter qui sont bien sûr toujours un peu les mêmes (hormis quelques-unes, nouvelles, qui éclosent soudain), mais dont on ne se lasse pas, sauf peut-être quelques vieux lecteurs qui les ont lues ou entendues tant de fois et qui partent d’un grand haussement d’épaules ou d’un long soupir, en pensant (à raison parfois) que l’âge avancé de l’auteur de ces lignes lui joue de drôles de tours !… Mais bon, c’est ainsi, Johnny est comme ancré au fond de notre mémoire, et y navigue souvent au gré des évènements qui l’ont concerné de son vivant ou à sa mort.

Johnny, en 1961, à ses tout débuts, à 18 ans. Johnny en 1966, amoureux de Sylvie Vartan, et tout proche de se séparer d’elle, sur un coup de tête, une grosse bouderie, avant qu’un coup de fil, passé par le Roméo chanteur à sa Juliette qui se produisait le même soir en Suisse, ne fasse revenir les deux tourtereaux à de meilleurs sentiments…

Un téléphone sonne et le monde change !

Cette conversation téléphonique, vers 23 h 30, avait duré, duré, et duré encore, Johnny était sorti de la cabine de billetterie en sueur, mais le regard triomphant. « Alors ? lui avons nous demandé, vous avez eu Sylvie ? Et alors ?… » Et lui, du haut de ses 23 ans, de répondre à la presse suspendue à ses déclarations : « On a mis les choses au point, c’est reparti comme avant ! » Ouf ! La vie du music-hall pouvait reprendre son cours, les cloches de l’église pourraient bientôt sonner, et David voir le jour quelques mois après ! Des confrères de la presse nationale étaient venus de Paris, informés depuis la veille de cet échange possible entre les deux chanteurs ce soir-là, et nous n’étions pas peu fiers à Bourg d’avoir été un peu le centre du monde de la vie people. On aurait pu photographier cette minuscule cabine de billetterie de l’Eden où Johnny s’était engouffré après son tour de chant, ainsi que ce téléphone précieux dont il s’était servi, pour enrichir plus tard un musée dédié à notre Johnny national !

Interview sur un coin de table

C’est en 1961 pourtant, pour sa toute première tournée en France, sa toute première visite à Bourg et son Eden, que ce que l’on garde en mémoire de ce Johnny tout timide et explosif à la fois, reste le plus émouvant. À l’issue d’un spectacle qui avait mis en transe tout son public, et en miettes un certain nombre de fauteuils cassés aux premiers rangs par des fans déchaînés, Johnny exténué avait été conduit à son hôtel, avant de rapidement en ressortir la faim au ventre. Le concert avait pris du retard, comme souvent à l’Eden, et le Français était fermé depuis quelque temps déjà. Ne restait ouvert à cette heure-là (près d’une heure du matin) que le restaurant des routiers avenue Maginot. C’est ce que je précisais au chauffeur de la limousine transportant le jeune chanteur, et qui me demanda de le guider jusque-là. En pleine nuit donc, et dans des rues désertes, ce cortège improbable de ma 4CV et d’une limousine, sillonna la ville. Pas question de laisser mourir d’inanition en pleine Bresse un garçon appelé à un destin hors norme ! Mais voilà ! Arriver devant « les Routiers“ que tenait le Père Couard, était chose facile, lui faire ouvrir son restaurant alors qu’il venait de le fermer derrière ses derniers clients, une autre chose. Il restait inflexible à tous les arguments qu’on pouvait développer. Même celui qu’on avançait de la future célébrité des “Routiers” de Bourg quand la France entière saurait que Johnny y avait mangé ! « De toute façon, prétendait-il, je n’ai plus rien dans le frigo », ce dont on doutait fort. Finalement, il allait nous ouvrir et nous faire rentrer. Sous ses airs un peu rudes, le Père Couard était un brave homme et un bon cuisinier. Une omelette aux lardons et une assiette anglaise firent l’affaire. Chacun s’en réjouit, à commencer par Johnny, qui nous consacra vers une heure du matin une interview sur un coin de table en Formica où il s’était attablé. Quelques années plus tard, au rappel de ce souvenir, lors d’un énième passage du chanteur à Bourg, Johnny avait tout oublié. Mais pas nous, pas notre mémoire. À jamais !