Posté le 21 juin 2022 par La Rédaction

Voici mon immersion dans cet Ultra 01, dans la distance reine de 171 km et 7500 m D+.

30 minutes avant le départ de cette 5e édition de l’Ultra 01, la foule grouille comme une fourmilière autour de l’arche « Içi c’est l’Ain ! » Dans ce magnifique stade Charles- Mathon à Oyonnax, nous attendons le showman Alex Boucheix dit Casquette verte. Le speaker nous annonce les élites, qui arrivent sous un jet de fumée, telles des rockstars du Helfest 2022. L’ambiance est bouillante, c’est vraiment dingue de vivre ça de l’intérieur !

18 h pétantes. Ça y est, go go go sous les acclamations du public, on est bien partis et non masqués cette fois-çi. Nous sommes libres. La chaleur est toujours étouffante, je prends un départ assez prudent au vu des températures qui nous oppressent. Je suis dans le sillage de la championne élite de très haut niveau Claire Bannwarth. Très vite, j’entre dans les bois ombragés, de petits singles se succèdent dans la forêt de Niermes, sur un profil plutôt montant (630 m D+), avec parfois une vue en contrebas du lac Genin. Une petite recharge en eau au km 8 à Apremont, avec les encouragements, nous fait du bien. Je suis maintenant sur les balcons du lac de Nantua, au belvédère d’où la vue est splendide. Tout à coup, ce lac bleu turquoise m’arrête. Une photo pour immortaliser ce moment magique !  Une fusée surgit de derrière, me dépasse à très vive allure. C’est Claire, dite « le lapin Duracell ». Je décide de la suivre pour m’amuser un peu dans cette descente sinueuse et technique. Nous arrivons à Nantua au km 21, avec déjà un peu de 800 m D+ dans les guiboles. Quelle chaude ambiance sur ces berges ! Après les recharges express en boisson puis 2 ou 3 Coca ,un verre de Saint-Yorre et 2 bananes engouffrées, je repars rapidement. Mais comme dit Casquette verte, « ne pas s’enflammer ! » Surtout dans la montée des Doigts du Diable (une pensée pour les Diablocows de la Team des Monts). Je suis aux Monts d’Ain à 1130 m d’altitude, après avoir grimpé ce kilomètre vertical, qui en fait en réalité 5. Cette grande montée nous a bien séchés. Ouf, l’organisation a mis en place des ravitos d’eau en plus, qui me permettent d’abaisser ma température corporelle et de lutter contre cette déshydratation qui menace. Il fait encore très lourd ; il est pourtant 21 h 30 ! J’arrive au km 36,4. La nuit est tombée sur le petit village de 500 habitants de Brénod. La fête pour l’occasion est immense, des tablées se sont déployées dans la rue et on m’applaudit de toutes parts : « Bon courage« , « Bravo pour ce que vous faites« , « Ouais, allez allez !« … Il y a même une fête foraine. Une chouette ambiance conviviale, c’est la joie partout. J’ai adoré ce ravito ! J’ai l’impression de rentrer chez l’habitant pour goûter à leur fameux Comté. J’y serais bien resté toute la soirée… Mais je repars, le bidou bien rempli. La nuit se passera sur le Plateau du Retord qui culmine autour des 1000 m d’altitude, avec des traversées de balcons sur le lac de Sylans. Il faut garder la tête froide pour ne pas plonger dedans, 500 m plus bas ! À 2 h du matin, j’arrive au ravito du Replat au km 57, dans le village du Poizat. Même si la température a baissé, je n’oublie pas de me ravitailler en boisson. Après une succession de « coups de cul », j’arrive au km 67, au refuge de la Conay, très bien accueilli par les 2 gardiens qui proposent un café. J’y serais bien resté dormir, mais le jour commence à se lever. La fraîcheur est peu marquante, mais les premiers rayons de soleil tapent dans la descente des crêtes de Narmont. Au km 77, arrivé à la fameuse base de vie de Valserhône, je prends le temps de bien recharger les batteries. Une bonne assiette de pâtes sauce tomate et ma touche perso – de petites sardines – qui fait bien rire mon voisin d’embarquement ! Je repars justement pour cette belle croisière à crapahuter, avec l’aide de cordes parfois, et atteindre le Crêt de la Goutte qui culmine à 1621 m, à l’extrême sud du Haut-Jura. Le drone de Canal Plus figera ces instants magiques au même moment. Je profite de cette vue à 360 degrés. La croix annonce l’un des points remarquables de cet Ultra. Le panorama est à couper le souffle, avec vue sur toutes les chaînes des Alpes, du Chablais aux Écrins. Le brouillard de chaleur efface la vue sur le Mont Blanc. Dommage, il faudra revenir… Une succession de descentes montagneuses, en passant par le village Menthières Les Naz.

Le cap du km 100

Ça y est, les 100 km sont passés. C’est toujours une grande émotion pour un ultra traileur de dépasser les 100 bornes. Je m’offre une boisson à bulles pour célébrer ce cap au ravito de Chézery-Forens. De la Saint-Yorre, bien évidemment ! Je repars plus frais mais, malgré le chemin au bord de la Valserine (l’une des rivières les plus sauvages de France), je ne me sens pas tellement rafraîchi. Normal, il est quasi midi ! Le petit ravito juste avant Lélex, au km 114, est pour moi comme une oasis au milieu du désert.  Il réussit à effacer les premiers symptômes d’une déshydratation toujours menaçante… La montée qui s’ensuit, même si elle débute à l’ombre, a été un chemin de croix. Le voilà, le « coup de moins bien » que peut connaître un ultra traileur. Le soleil est à son zenith. Miraculeusement, j’ai réussi à m’arrêter dans un petit coin d’ombre. L’insolation était imminente. Après 5 minutes à lutter contre cette terrible chaleur, je décide de repartir dans cette belle montagne du Haut-Jura. Un grand ouf de soulagement : j’arrive enfin au sommet du Montoisey culminant à 1700 m. Au km 120, la vue est absolument bluffante. On voit même le jet d’eau de Genève et son lac Léman. J’y plongerais bien, à ce moment-là ! Je repars avant que le soleil ne me cuise sur place comme une merguez. Juste avant moi, Véronique la bénévole m’annonce que celui d’avant a chopé une insolation et a abandonné (90 abandons, soit 52% sur cette course-là. Pareil sur le format 100 km !) Je me rends compte que ma casquette saharienne me sauve la vie et me permet de repousser mes limites. 

Les belles rencontres

Bref. Go go go, j’entreprends une longue descente qui va me mener au village de Lélex, au km 125, où les bénévoles sont tous fort sympathiques et très attentionnés. Je fais la rencontre de Fabien, un ultra traileur de la région Drôme-Ardèche. Il souffre du syndrome TFL du genou, mais il est bien plus frais que moi. Il monte très bien, on discute bien, il a un bon rythme dans la montée jusqu’à la Borne au Lion. Je ne rugis pas cette fois-çi car très vite, je commence à avoir des tournis à la tête. Je décide de ralentir la cadence et de le laisser partir. Au ravito du km 135, je retrouve avec joie et par hasard Fabien qui a eu le temps de se faire masser par l’ostéo-kiné de la course. On repart déterminés, malgré ce cagnard qui n’en finit plus et qui nous met constamment en nage ! Au km 144, j’eu la belle surprise de rencontrer sur le chemin mon oncle Gérard. Quelle joie ! Nous faisons un bout de chemin ensemble. Ça me remonte le moral, mais vais-je aller au bout ? Quand mon corps va-t-il lâcher ? Nous arrivons au km 147, au ravito du Giron. L’ambiance est très belle, avec des applaudissements. Un superbe ravito dans un joli gymnase. Je prends le temps de me ravitailler, d’échanger quelques mots, de me rafraîchir la tête, de profiter avec mon oncle de ces instants si courts ! Et me voilà « frais comme un gardon ». Enfin pas tant que ça… On repart avec mon copain d’aventure à l’assaut de cet Ultra 01. Nous savons qu’il reste une dernière grosse ascension : les Roches d’Orvaz. Un truc, depuis un moment, me gênait de plus en plus. Je regarde dans mes chaussures. Pas de caillou et pourtant, ça couinait de toutes parts ! Tantôt l’un criait « Aïe mon genou !« , tantôt je lançais « Aïe mes pieds ! » Mon genou gauche, lui, s’était éteint face à cette nouvelle douleur… La beauté des paysages traversés me fait vite oublier ces petits désagréments. Au km 158, nous arrivons dans un joli village. Un petit ravito de boissons est tenu par un jeune bénévole. Je revêts avec plaisir et fierté le beau tee-shirt officiel de l’Ultra 01. Il est alors 22 h. “N’oublie pas la frontale”, me rappelle avec bienveillance mon compagnon.

L’arrivée, enfin

L’orga ne nous aura pas épargnés avec la folle dernière descente technique. Finalement, nous avons eu très peu de route sur cet Ultra, pour notre plus grand plaisir. On ne lâche rien, avec mon pote du soir, dans cette descente de dingue… parfois même avec des cordes ! On file jusqu’au stade. Allez, il reste le tour du stade. Yes ! On savoure. Ça y est, l’émotion retombe, nous franchissons ensemble avec Fabien la ligne d’arrivée de cette belle aventure humaine et sportive ON L’A FAIT ! Malgré des températures extrêmes, ce fut intense, unique et splendide. J’ai voulu ici vous transmettre mes moments de joie, de doute, cette magnifique aventure vécue de l’intérieur.

Un immense merci aux organisateurs pour cette belle et grandiose course Uultra 01 de l’année 2022. J’ai également une immense gratitude pour les bénévoles qui donnent bien plus encore que nous les coureurs, dans des conditions telles qu’on a connues aujourd hui.

Sylvain Gros, dit le traileur Z’AinZ’Ain pouir Magville
Finisher Ultra 01 2022 pour un classement de 14e /170 – 5e M1H en 30h10