Posté le 31 août 2023 par La Rédaction

Antoine Rousset, ancien journaliste au Progrès à Bourg, rouvre les pages de son album souvenir.

Avant son passage à Bourg le 27 septembre 1963, de Gaulle s’était arrêté à Pont-d’Ain où le maire, le commandant Selignat, l’avait acccueilli. On remarque la présence (à gauche) de Paul Barberot, élu de Bourg,
qui va ensuite l’accompagner jusqu’au chef lieu. ©Archives Bourg

As-tu vu de Gaulle à Bourg ? », m’avait demandé un ami. « N’aurais-tu rien à raconter sur lui ? » Et c’est vrai qu’en 1963, un peu plus de deux ans après mon arrivée à Bourg pour prendre mes fonctions au Progrès, le général était venu dans l’Ain, officiellement pour la dernière fois, alors que pour moi, c’était une grande première de pouvoir le rencontrer. Mais qu’est-ce qu’il me restait en mémoire de cette journée du 27 septembre, qu’est-ce qui pouvait nourrir vraiment une chronique sur de Gaulle dans ce « Il était une fois ? » Je l’avoue : pas grand-chose… C’était il y a juste soixante ans, à une époque où, jeune journaliste, je débutais dans la profession, et y prenais mes repères. C’était un « papier » bien trop important pour que le chef Garbit me laisse couvrir seul ce passage du chef de l’État. Il était donc bien normal qu’un collègue plus expérimenté, Robert Ferroud en l’occurrence (un clin d’œil à son fils Jean-Pierre en passant), relate cette journée. Pour autant, on ne me laissa pas à l’écart de l’évènement. On me chargea de quelques échos, histoire de me mettre le pied à l’étrier, et moi de montrer
que je pouvais traiter d’autres sujets que Johnny, Dalida et les Chaussettes noires de Mitchell, sur la scène de l’Eden à quelques mois d’intervalle… !

Entre visites publiques et privées…
Ainsi, aujourd’hui, face à la page blanche, dans ce Mag, je peux dire : ce 27 septembre 1963, j’y étais ! En faisant travailler ma mémoire, et surtout en ayant sous les yeux une page entière de mon confrère Alain Lelandais dans La Voix de l’Ain, parue en novembre 2020, je peux remonter le temps. Grâce à de vieilles coupures de journaux qu’il a patiemment réunies, Alain a retracé (en y mêlant plein d’anecdotes délicieuses), toutes les visites, privées ou publiques, de de Gaulle dans l’Ain… En 47, il est là pour le mariage de son fils Philippe avec Henriette de Montalembert, à la mairie de Poncin puis en la chapelle du vieux château d’Épierre à Cerdon. En 50, là en tant que président du RPF, il vient parler à Attignat devant 500 personnes. En 53, on
le voit à la maternité Pélicand à Bourg pour la naissance de son petit-fils Jean de Gaulle. En 1956, il inaugure, au côté du colonel Romans-Petit, le cimetière du Val d’Enfer, avec meeting aérien à Ambérieu auquel le général assiste… Et puis, voilà 1963, la tournée en France de Charles de Gaulle chef d’État, et dans l’Ain, à Bellegarde, Nantua, Poncin, Saint-Jean-le-Vieux… et Bourg, une partie en train, l’autre en voiture. Au chef-lieu, où l’accueille le maire Amédée Mercier, bain de foule cours de Verdun, un grand discours, lyrique et dense, sur l’avenir du pays, son industrialisation et son agriculture… Quelques mots sur le général Delestraint, figure locale. Pas d’enthousiasme débordant. L’appel de 1940 est loin. La Libération de la France, aussi.

« J’ai la haine »…
Là, j’ouvre une large parenthèse. Et reprends mes notes personnelles sur cette journée. À l’écart des flonflons et des paroles officielles. Deux jours avant l’arrivée du général, un homme que j’avais rencontré quatre ou cinq fois, un pied noir, plutôt sympa et qui rendait plein de services, me croisa sur un trottoir, et, me sachant journaliste, me confia qu’il allait, à sa demande, être mis en garde à vue, ou carrément en détention quelques heures… Un peu surpris, je l’encourageai à s’expliquer. Quel délit, quelle forfaiture, avait-il donc commis ? « Non non, j’anticipe simplement… »
Pouvait-il m’en dire plus ? « En fait, j’ai la haine de de Gaulle, j’ai fait partie de mouvements contre lui. Et j’ai peur que sa présence à Bourg déchaîne en moi des montées d’adrénaline, jusqu’à ne plus me contrôler. » Et cela se passa tel que je le vécus et le raconte aujourd’hui, 60 ans après. Quand je le revis plus tard, après le retour à Paris du Président, sa vie, normale, avait repris son cours. Mais j’ai su, ce 27 septembre, que d’autres individus, ex-membres de l’OAS, anarchistes, personnages douteux, etc., avaient aussi été tenus à l’écart, de leur plein gré ou non, durant tout le temps où de Gaulle était dans l’Ain… Ce fut là ma petite participation journalistique, entre autres, à cette journée de 1963. La petite histoire dans la grande, un de Gaulle en raccourci sous ma plume, et un peu dans la brume de mes souvenirs…