Posté le 3 février 2022 par La Rédaction

Agriculteur, saint, puis martyr, saint Blaise a toujours été le patron des
hommes de la terre. Pour les Dombistes, la Saint-Blaise était une fête traditionnelle et incontournable où l’on honorait le travail du labour. Célébrée en Dombes le 3 février, elle a pris fin au début des années 1950.Une époque très regrettée par les anciens, d’autant plus que les jeunes générations n’ont pas repris le flambeau.

Chaque année, le 17 janvier, à la Saint- Antoine, l’histoire débutait dans l’un des cafés de la commune. Au côté du garde champêtre, fils d’agriculteurs et commis des fermes participaient à la mise aux enchères pour acquérir l’œilla et l’œillon, deux bâtons décorés symbolisant les outils des laboureurs. Au terme des enchères, l’œillon désignait le carrat, et l’œilla le bouvier. Les deux jeunes hommes choisissaient alors parmi leurs amis, un chef d’équipe, quatre bœufs et l’âne, surnommé la guine.

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À l’aube, veille de la Saint-Blaise, le binôme faisait la tournée des fermes pour récolter des étrennes qu’ils nommaient la moguette. Ils soufflaient dans une corne de bouc pour annoncer leur arrivée, et les paysans alentour ne manquaient pas d’idées pour donner du fil à retordre aux deux garçons. « La moguette, elle se mérite ! » entendions-nous souvent. Boire dans un sabot, sauter pour attraper les saucissons pendus au plafond, ne parler qu’en patois et chanter la Saint-Blaise… autant de défis qui orchestraient la visite de chaque corps de ferme. Les servantes aimaient les taquiner et mordaient l’orange, plantée au bout de l’œillat et l’œillon, lorsque ceux-ci cherchaient à leur faire embrasser. La tournée durait une douzaine d’heures et se terminait à la nuit tombée, car certaines s’amusaient à dégonfler les pneus de leurs bicyclettes. Le matin du 3 février, toute la troupe se retrouvait chez le chef d’équipe pour le petit déjeuner. Ensemble, ils répétaient la chanson de la Saint-Blaise, nommée Sin Bleza en patois. « Oh ! Les bouviers, les bons bouviers sont aimables, on doit bien les aimer ! » À 10 heures, l’équipe retrouvait le boulanger qui avait préparé des brioches disposées en pyramide sur laquelle on déposait un bouquet. Puis ils rejoignaient l’église en chantant la Saint-Blaise. Le cortège y pénétrait, l’accordéoniste en tête. Pendant l’office, le curé bénissait les brioches, puis carrat et bouvier se rendaient à la sacristie pour les découper et les distribuer. Des jeux étaient organisés. Le chef de l’équipe, en profitait pour faire l’éloge des bœufs qui simulaient le labour avec la charrue. Lorsque le labour devenait difficile, il attelait la guine qui renâclait. L’âne était le boute-en-train du spectacle et les gamins riaient en lui tirant la queue.

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Le cortège et le public gagnaient l’un des restaurants de village où était prévu le banquet. Le carrat entrait le premier et embrassait la servante. Durant le repas copieux, où une centaine de personnes était conviée, on
entendait les chants traditionnels tel que Le temps des cerises, La bonne de Saint-Nizier ou encore La fille de la mitaine. Le carrat animait l’après-midi pour obtenir à nouveau des étrennes. Enlever la chaussure d’une dame, embrasser une jeune fille, tirer la moustache d’un notable : tout était permis. Le repas se terminait peu avant minuit alors qu’un bal avait débuté au cœur du village, animé par les danses, les jeux, les chansons et les farces. Dimanche 18 juillet 1993, la caisse locale du Crédit agricole redonnait vie, avec l’aide de nombreux Dombistes, à cette vieille tradition à Chalamont, véritable berceau de la Saint-Blaise. Cette année-là, toutes les scènes importantes étaient jouées sur un podium de fortune, fait de deux chars, prêtés par des agriculteurs. Le cortège traversait les rues de la commune, le char attelé de deux véritables boeufs, et une calèche tirée par un cheval. Adaptée aux critères des années 1990, cette fête ancestrale, rejouée le temps d’une journée, laissait en chacun le doux espoir d’une renaissance : « Et si les jeunes générations prenaient enfin la relève ? »