Posté le 24 novembre 2020 par La Rédaction

Une ferme au cœur du Bugey par une douce nuit d’avril, un trésor perdu, une famille et leurs domestiques retrouvés égorgés au petit matin. Nous sommes en 1797 à Songieu. Voici le récit du septuple meurtre de la ferme des Orgères.

Tout a commencé par une rumeur. La légende du trésor des Chartreux d’Arvières est bien connue à l’époque, un magot supposé que les pères auraient amassé au fil des années. Chassés par la révolution française, ces derniers auraient confié leur fortune au bûcheron qui travaillait pour eux, Philibert Ancian. Les bruits courant de village en village et le fantasme aidant, ce qui devait arriver, arriva. Au matin du 27 avril 1797, sept corps sont découverts ligotés et égorgés dans la ferme des Orgères, demeure de Philibert et de sa famille. Immédiatement, les constatations sont confiées à Luc Favier, juge de paix de Songieu. Pas ou peu de blessures défensives et une ferme sens dessus-dessous, il s’agirait en apparence d’un cambriolage. Les victimes de ce carnage sont Philibert Ancian, sa mère Françoise, sa sœur Jeanne et quatre domestiques dont un enfant de onze ans. Connu de tous comme un fermier très économe, Philibert possédait notamment, des actes notariés pour une valeur de 1 600 livres (Environ 5 000 € actuels). Une somme très importante pour l’époque et pour sa condition. Une telle violence remplissant d’effroi les habitants du village, nul n’ose témoigner, les regards se tournant cependant vers quelques brigands notables gravitant autour des Orgères. Il faudra alors plusieurs mois avant que les gendarmes ne reçoivent les premiers témoignages, usant de leur ténacité pour y parvenir.

De nombreux suspects

À mesure que l’enquête avance, de nombreux hommes se retrouvent dans le collimateur des enquêteurs. Dans un premier temps, Pierre et Claude Ancian (sans lien de parenté avec les victimes, ce nom étant très répandu à l’époque) sont soupçonnés, du fait de leurs nombreux démêlés avec la justice. Les gendarmes s’intéressent également à Vincent Gay, connu pour vols et agressions ainsi que son neveu, Louis-André Gay. Ce dernier aurait acheté un couteau de boucher la veille de la tuerie et n’a pas d’alibi à fournir. Philibert Burel, quant à lui, n’a aucun alibi et des témoins l’ont vu, dormant debout à son travail le lendemain, comme s’il n’avait pas dormi de la nuit. Enfin, Jacques Ancian et Joseph Trévoux sont inquiétés, des témoins les ayant entendu commenter le septuple meurtre avec de nombreux détails connus uniquement de la gendarmerie. Une liste d’autant plus longue qu’elle ne comporte aucun coupable idéal, faute de preuves matérielles et de témoins directs.

Arrestation des ”Monstres“, preuves manquantes…

Le 11 octobre 1797, les sept hommes sont mis en accusation par le jury de Belley et sont écroués à la maison d’arrêt de Bourg-en- Bresse. Jacques Ancian retrouvé mort dans sa cellule le 24 décembre, ils seront seulement six à être présentés au tribunal. Tous nient les faits, profitant de la confrontation avec les témoins pour faire pleuvoir les menaces sur ces derniers. « Je vous brûlerai vifs, vous et vos familles ! » lance alors Claude Ancian. La tension est à son comble, mais les preuves sont toujours inexistantes. Les accusés sont renvoyés devant le jury du tribunal criminel de Bourg-en-Bresse le 6 octobre 1798, puis le 18 février 1799. Joseph Trévoux, Pierre Ancian et Louis-André Gay sont alors relaxés et libérés, certains témoins ayant subitement ”perdu la mémoire“. Philibert Burel et Claude Ancian, quant à eux, sont respectivement condamnés à 6 et 24 ans de prison pour des faits antérieurs. Le fameux trésor de la chartreuse d’Arvières resté introuvable, les meurtriers courent toujours. La ferme des Orgères fut rasée en 1874 et remplacée par une croix, les habitants alentours la considérant comme maudite. En 1897, certains éviteront même l’endroit, persuadés qu’un crime s’y déroulerait tous les 100 ans. Les légendes ont la vie dure… Mais n’ont-elles pas toutes un fond de vérité ? Oseriez-vous, chers lecteurs, vous aventurer sur les terres des Orgères sans une once de crainte dans vos veines ? 

Source : Notice sur la Chartreuse d’Arvières en Valromey
par M.-C Guigue – 1869