Posté le 28 février 2024 par La Rédaction

Le monument préféré des Français porte la marque d’une revendication féministe, celle de la femme la plus puissante d’Europe en son temps.

La réputation du monastère de Brou comme mausolée d’amour n’est plus à faire. Marguerite et Philibert endormis dans l’éternité, côte à côte, montrent parfaitement qu’un mariage arrangé pour des raisons diplomatiques a pu devenir une histoire d’amour qui a traversé les siècles. Quand le gothique flamboyant se pare des couleurs du romantisme… Ce qui explique sans doute en partie la désignation de Brou comme monument préféré des Français… On connaît aussi le monastère comme symbole d’un pouvoir, celui de la régente des Pays-Bas et tante du futur empereur Charles Quint, la femme la plus puissante d’Europe. Face au royaume de France, ses monogrammes et ceux de Philibert le Beau quadrillent les voûtes et les vitraux de l’église. Mais qui pourrait imaginer aujourd’hui que le monastère, confié aux moines Augustins, fut, en son temps, quelque part un manifeste féministe avant l’heure ? relève Magali Briat-Philippe, la conservatrice du monastère. En témoigne le très grand nombre de figures de femmes qui ornent Brou : « Il y avait un parti pris de Marguerite et des gens qui l’entouraient. L’église de Brou est vraiment une église féminine qui accorde une énorme place aux femmes », résume-t-elle.

La Vierge et Marie Madeleine

En premier lieu à la Vierge Marie, la miséricordieuse à laquelle les gens du Moyen Âge, tellement obsédés par leur salut après un passage douloureux sur la Terre, demandaient d’intercéder auprès de son fils. Et toute femme de pouvoir et de culture qu’elle ait été, Marguerite n’y dérogeait pas, comme le montre le retable des Sept joies de la Vierge. Ensuite à Marie Madeleine, certes une pécheresse, mais pardonnée par le Christ : c’est à elle qu’il choisit d’apparaître ressuscité en premier. La Vierge et Marie Madeleine, on les retrouve à la place d’honneur sur les vitraux de l’abside et le retable. « Et Marguerite va jusqu’à se faire représenter en Marie Madeleine sur son tombeau », précise Magali Briat-Philippe. Mais il ne faut pas oublier sainte Marguerite, la patronne de la régente, Suzanne et la cohorte des saintes et des sibylles qui entourent les deux époux dans leur tombeau. « Indéniablement, les femmes représentées dans le monastère sont en supériorité numérique », constate la conservatrice. Y a-t-il d’autres exemples de cette supériorité numérique des femmes dans des monuments de l’époque ? « À ce point, non. La Vierge Marie est une figure extrêmement importante dans les églises et des cathédrales, tout comme Marie Madeleine. Mais qu’elles soient autant mises en avant, c’est quelque chose de très singulier. » Une autre grande figure de la Bible réhabilitée à Brou, c’est Ève, pourtant pas vraiment en odeur de sainteté dans l’Église depuis sa rencontre avec un serpent, mais dont un intellectuel de l’entourage de Marguerite d’Autriche disait que son nom signifiait en hébreu, la vie. La vie de l’humanité…

« Un musée de femmes »

Le grand nombre de femmes représentées dans la statuaire et sur les vitraux de Brou, c’est finalement le début d’une tradition qui se poursuit aujourd’hui encore : « C’est un musée de femmes », résume Magali Briat-Philippe. D’abord parce que ce sont essentiellement des femmes qui se sont succédé à sa tête depuis Françoise Baudson, en 1946, puis Marie-Françoise Poiret et aujourd’hui Magali Briat-Philippe. Ensuite parce que les œuvres de nombreuses artistes au féminin sont présentées au musée. À commencer par Élisa Blondel, née à Pont-d’Ain, et Les petits Piémontais, le second tableau donné par l’État au musée en 1922. Mais l’on pourrait citer aussi des grands noms de l’art contemporain comme Geneviève Asse, Joan Mitchell ou Béatrice Cassadesus. Et souligner l’insolence de La femme à l’orange peinte par Alfred Dabat. Peut-être bien une autre Ève…

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Enfance de Charles Quint ; une lecture d’Érasme, un dépôt récent du musée d’Orsay au musée des Beaux-Arts de Brou. Au centre de ce tableau d’Édouard Hamman, c’est Marguerite d’Autriche qui est dans la lumière.

Monastère royal de Brou
Bourg-en-Bresse
Tarif : 9,50 € ; gratuit – de 18 ans